Par Agnès Roux, Futura-Sciences
Le nez n'est pas le seul à pouvoir sentir. D’autres organes comme le cœur et les poumons posséderaient aussi des récepteurs olfactifs. Reste à savoir à quoi ils servent.
Le sens de l’odorat renferme de nombreux secrets. Nous possédons tous le même système olfactif, mais nous ne sommes pas égaux devant un parfum : pour certains, une odeur de madeleine renvoie en enfance, pour d’autres elle ne déclenche pas d'émotion particulière. Une étude récente, présentée lors du congré de la société américaine de chimie, ajoute une pointe de mystère : le nez ne serait pas le seul organe à avoir de l’odorat, d’autres organes sentiraient également les odeurs !
Peter Schieberle, directeur du centre de recherche allemand pour la chimie des aliments, a en effet annoncé que d’autres endroits du corps comme le cœur, les poumons et le sang possédaient des récepteurs olfactifs. L’expérience est simple : les auteurs ont placé des cellules sanguines et un composé odorant à deux endroits opposés d’une même boîte. Ils ont alors observé un mouvement des cellules sanguines dans la direction de l’origine de l’odeur.
L’organisme fait rarement les choses pour rien, et cette capacité olfactive d’autres organes pourrait servir à quelque chose. Reste à savoir à quoi. Car si l’on comprend bien le rôle de l’odorat dans le nez, le reste est pour le moment inconnu. Les travaux sur la perception olfactive ne font que commencer, et pourraient lever un coin du voile.
Source:
http://www.futura-sciences.com/fr/news/t/medecine/d/en-bref-il-ny-a-pas-que-le-nez-qui-a-de-lodorat-le-cur-aussi_45862/
La Société américaine de chimie (ACS selon l'acronyme anglais) est, avec plus de 160 000 membres, la plus grande société savante du monde – et sans doute aussi la plus riche. Chaque année, elle organise deux congrès qui sont de véritables grands-messes scientifiques et industrielles. La 245e se tient à la Nouvelle-Orléans jusqu'au 11 avril et c'est un chercheur allemand qui a fait sensation lors de la journée d'ouverture, dimanche 7 avril. Peter Schieberle, qui dirige le Centre de recherche allemand pour la chimie des aliments, a ainsi annoncé avoir découvert des récepteurs olfactifs en divers endroits du corps humain où on ne les attendait franchement pas, comme le sang, le cœur et les poumons... Le nez n'a donc pas le monopole des odeurs.
Les annonces faites lors des congrès sont un peu les équivalents scientifiques des avant-premières au cinéma, au cours desquelles la profession découvre un film que personne n'a encore vu : souvent, les recherches en question n'ont pas encore fait l'objet d'une publication dans une revue et c'est le cas ici. Mais cela n'a pas empêché Peter Schieberle de décrire une expérience réalisée par son équipe. Pour schématiser, ces chercheurs ont placé, dans une boîte compartimentée, des cellules sanguines d'un côté et un composé odorant de l'autre. Et que s'est-il passé ? Les cellules sanguines se sont déplacées en direction de l'odeur, montrant par là-même qu'elles étaient capables de la sentir, à tous les sens du verbe.
Toute la question est de savoir à quoi cette fonction olfactive peut bien servir en dehors de nos fosses nasales. On comprend bien le rôle des récepteurs d'odeurs situés dans notre nez, qui, avec l'aide du bulbe olfactif installé juste derrière eux, transforment les composés volatils issus de la nourriture ou de notre environnement en messages d'alerte ou de plaisir. Mais que vont chercher à détecter les cellules du sang ou celles du cœur ? On pense évidemment à des informations contenues dans la nourriture mais Peter Schieberle reconnaît qu'"une fois que les composants de l'odeur se trouvent à l'intérieur du corps, on ne sait pas bien s'ils fonctionnent de la même manière que dans le nez". Pas sûr, donc, que votre sang renifle l'odeur du café que vous venez d'avaler ou celle du chocolat qui l'accompagnait.
Néanmoins, le chercheur allemand soupçonne les composés olfactifs présents dans les aliments de n'avoir pas pour seul rôle de titiller ou d'alerter nos narines. Comme il l'a expliqué au site Discovery, les boissons et la nourriture émettent énormément de signaux et "seulement une toute petite fraction de ces arômes et saveurs sont exploités par les récepteurs que nous possédons dans le nez et sur la langue". Ainsi, un millier de molécules différentes se dégagent du café mais les récepteurs olfactifs contenus dans le nez sont capables de n'en identifier que vingt-cinq. "La majeure partie de ces molécules descendent dans notre estomac et pourraient ensuite atteindre le réseau sanguin et, in fine, les organes". Les organes où ces composés pourraient avoir une fonction qui reste à déterminer.
Même si cette découverte a de quoi intriguer, ce n'est pas la première fois que l'on détecte des récepteurs olfactifs ailleurs que dans l'appendice cher à Cyrano. On s'est ainsi aperçu en 1992 que des gènes commandant ces récepteurs s'exprimaient... dans les usines à gamètes que sont les testicules. Surprenant ? Pas tant que cela. En 2003, une autre étude a confirmé ce que l'on supposait, à savoir que les spermatozoïdes, tels des chiens de chasse remontant une piste, se servent de ces récepteurs pour localiser l'ovule, lequel relâche des molécules signalant sa présence. Si nous sommes tous là, si la reproduction humaine est si efficace malgré le faible stock d'œufs dont disposent les représentantes féminines de l'espèce, c'est aussi parce que les spermatozoïdes ont du flair. Une manière d'illustrer que les récepteurs olfactifs n'ont pas pour seule vocation de nous faire monter l'eau à la bouche ou de détecter une fuite de gaz.
Olfactivement
Gilles Fournil